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Chronique Jazz: L’armée Furieuse

Polars Fred VARGAS : L’armée Furieuse

Fred VARGAS : L’armée Furieuse. Collection Chemins Nocturnes. Editions Viviane Hamy.

 

L’Armée Furieuse, ou la Mesnie Hellequin, est une légende dont se réclament de nombreux pays européens, principalement en Angleterre et les pays Nordiques. Et selon les endroits dans lesquels cette croyance, qui date du début du Moyen-âge, est encore vivace, elle est aussi nommée le Carrosse du roi Hugon, la Chasse nocturne, la Chasse Arthur, la Chasse du Comte Rouge, la Chasse du Chasseur Sauvage… Certaines nuits magiques d’orages violents, surtout en période de changement de saison, et alors qu’on pourrait penser que ce sont le vent et la pluie qui dévastent les paysages, l’imaginaire populaire impute cette dévastation à une troupe d’esprits fantastiques, montés sur des chevaux rapides, entourés de chiens bruyants, qui ont été condamnés en punition de leurs péchés à chevaucher jusqu’à la nuit des temps. Et il ne fait pas bon être dehors à ce moment là.

 

Alors qu’il déjeune, en face de l’entrée de la Brigade Criminelle, en compagnie de Veyrenc qui se demande s’il doit ou non reprendre du service, Adamsberg aperçoit une petite femme qui stationne depuis une heure sous le soleil. Mais ce n’est pas tant la femme, attifée d’une blouse à fleurs désignant une provinciale bon teint, que le pigeon qui lui aussi stationne d’une façon inamovible sur le trottoir. Justement c’est lui Adamsberg que la sexagénaire, qui est allée chez le coiffeur pour la circonstance, voulait voir. Tandis qu’il recueille le volatile dont les pattes ont été attachées avec de la ficelle l’empêchant de s’envoler, il écoute d’une oreille plus ou moins distraite la Normande raconter pourquoi elle vient le voir, se déplaçant pour la première fois jusqu’à la capitale. Sa fille, Lina, a aperçu un soir l’Armée furieuse dans un chemin que personne n’emprunte de nuit à cause de la superstition qui plane sur cette voie communale. L’apparition de l’Armée furieuse signifie que des morts violentes sont à prévoir. Or parmi les membres de cette armée figuraient trois habitants de la commune, Herbier, Glayeux et Mortembot. Pour mieux enfoncer le clou madame Vendermot, c’est le nom de la solliciteuse, annonce qu’Herbier, détesté des villageois, a disparu. C’est le vicaire qui lui a conseillé de solliciter le commissaire. Adamsberg lui rétorque qu’il existe une brigade locale de gendarmerie, mais elle ne s’entend pas du tout avec le capitaine Emeri, une vraie toile. D’après Danglard, le Pic de la Mirandole de la brigade, Emeri est un descendant du maréchal d’Empire Davout, duc d’Eckmühl et autres titres ronflants. Herbier a donc disparu, avec sa mobylette et lorsque les voisins se sont inquiétés de cette absence, ils ont découvert le congélateur du braconnier mis à sac. Intrigué et quoique Emeri lui suggère de mettre l’affaire sous le boisseau, Adamsberg décide de se déplacer à Ordebec, Calvados, en compagnie de quelques-uns de ses hommes, les autres devant rester à Paris car les casseroles sur le feu ne manquent pas. Par exemple le décès par incinération dans son véhicule de luxe d’un riche industriel. Le coupable est tout désigné, Momo, un habitué de ce genre d’incendie volontaire sur véhicules ne lui appartenant pas. Mais Momo crie son innocence, alors que d’habitude il reconnait les faits. Et puis quelque chose dans son physique ne colle pas, de même que les preuves recueillies chez lui qui semblent avoir été déposées exprès pour l’accuser. Quant au pigeon il est confié à Zerk, le fils d’Adamsberg, un fils de vingt-huit ans qu’il ne connait que depuis deux mois. Arrivé sur place, il déambule dans le chemin incriminé et aperçoit une octogénaire pimpante assise sur un tronc d’arbre. Drôle de personnage que Léo, qui se repose tandis que son chien honore quelques voisines. Elle a été mariée au comte local, un conte de fée, mais seulement deux ans. Les Normands, ce ne sont pas les seuls, n’aiment pas les mariages hors caste. Léo est découverte chez elle le crâne défoncé et est emmenée à l’hôpital dans un état critique. Herbier est retrouvé, mort, mais ce n’est que le début de l’hécatombe annoncée.

 

Plus que l’intrigue, c’est le style de Fred Vargas qui entraine le lecteur et l’oblige à tourner les pages, de plus en plus vite au fur et à mesure que l’histoire prend corps. Elle possède le don d’installer une ambiance, une atmosphère, avec une écriture presqu’éthérée. Des dialogues décalés et des personnages tout autant qui possèdent chacun une anomalie développée, grossie par l’œil inquisiteur de l’auteur. Chacun de nous détient ce petit quelque chose qui nous différencie du voisin, mais dans ce cas les particularités sont développées à l’extrême. Si Adamsberg possède une mémoire auditive défaillante, il s’obstine à parler d’armée curieuse au lieu d’armée furieuse, ses adjoints ne sont pas mal non plus. Veyrenc ponctue ses déclarations à l’aide de citations empruntées à Racine, Danglard connait tout ce qui a rapport avec la police et la gendarmerie. Et les protagonistes auxquels ils vont être confrontés possèdent eux aussi des anomalies physiques, psychiques, mentales. L’un des fils de madame Vendermot s’exprime volontiers à l’envers. Pas en verlan, trop facile, mais en intervertissant les lettres. Par exemple pour dire Bonjour il s’exclame : ruojnob, ce qui n’est pas toujours compréhensible par le commun des mortels. Je ne vais pas vous ériger le catalogue de toutes ces anomalies, il faut garder un certain mystère afin que vous en appréciiez la lecture.

 

Les zoophiles retrouveront quelques animaux qui prennent une place prépondérante ou non à l’intrigue, ou sont simplement évoqués : Couple de rats amoureux, pigeon ligoté, vaches atteintes d’immobilisme, chiens, sanglier, abeilles, cloportes, gerbille et même un merlan. Et j’en oublie sûrement.

 

Et dire que certains affirment qu’à l’Ouest rien de nouveau ! Ce n’était qu’une remarque comme ça, en passant.

Paul Maugendre 

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