Saskia NOORT : Petits meurtres entre voisins. Folio Policier n° 613. (De Eetclub – 2004 ; traduction Mireille Cohendy). Réédition de éditions Denoël.
Prix SNCF du Polar Européen 2010.
Las de la vie urbaine, Karen et Michel décident de quitter Amsterdam et de s’installer dans un petit village proche de la capitale avec leurs deux enfants. Au début, tandis que Michel va travailler, Karen malgré son emploi à domicile s’ennuie un peu. Les premiers mois, ils reçoivent bien leurs amis, mais cela ne dure qu’un temps. Heureusement ce seront les enfants, comme bien souvent, qui établiront la liaison. Karen fait la connaissance de Hanneke, puis de fil en aiguille le cercle s’élargit. Bientôt ils seront cinq couples, ou considérés comme tel, des nouveaux riches, à se réunir les uns chez les autres pour boire, pour papoter, pour boire, pour faire la fête, pour boire. Une petite association dénommée le club des dîneurs. Entente cordiale assurée, sauf que parfois il y a de légers dérapages. La bonne humeur est de rigueur, même si unetelle n’apprécie pas les écarts de langages, les attitudes, les provocations d’une autre, même si les hommes se montrent parfois provocants, séducteurs, émoustillants, grivois, désirant comparer dans le pré d’à côté si l’herbe est aussi tendre que dans leur jardin. Un vernis de façade qui se craquèle, se fissure, se lézarde sous les insinuations, les petites trahisons, avérées ou non, les mensonges. Jusqu’au jour où tout bascule. Réveillée en pleine nuit par le téléphone Karen apprend que la maison de Babette et Evert est en train de brûler. Branle-bas de combat pour récupérer les enfants, des objets, savoir si les parents sont indemnes. Hélas non seulement Evert périt dans l’incendie, mais une lettre découverte dans sa voiture laisse supposer qu’il est à l’origine du drame. Depuis quelques temps il était en proie à une dépression, ce dont ses amis s’étaient rendu compte, ne pensant pas toutefois que cela pourrait tourner au drame. Le jour de l’enterrement d’Evert, Hanneke se saoule, et disparaît. Le lendemain elle est retrouvée, gisant sur le trottoir, tombée du balcon de sa chambre d’hôtel où elle s’était réfugiée. Accident, suicide, meurtre ? Toutes les hypothèses sont avancées.
Une introspection dans le monde des nouveaux riches, des Bobos qui ont bobo. Saskia Noort met en scène avec finesse cinq couples, dont Karen la narratrice et son mari Michel, et dévoile peu à peu la vie intime de ses personnages. Installées dans un village pour fuir la ville, même si les maris se déplacent tous les jours pour rejoindre la capitale, ces cinq femmes cherchent à se créer leur monde, et non pas à s’intégrer. Un peu comme les coloniaux qui se réunissaient le soir dans leurs bungalows pour écluser leur whisky et parler du pays qu’ils avaient quitté pour amasser une fortune dont ils ne profiteraient pas. La tension monte progressivement, chacun regarde l’autre afin de déceler qui est le coupable potentiel, et les crises de nerf succèdent aux crises de rire. Karen, la dernière arrivée, se raccroche tant qu’elle peut, comme le lierre aux pans de murs qui se dégradent. Angoisse et sexe vont régenter sa vie même si elle tente de combattre les deux.
Paul Maugendre
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