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François DARNAUDET-MALVY : Les Ignobles du Bordelais.

François DARNAUDET-MALVY : Les Ignobles du Bordelais. Le Poulpe N°272. Editions Baleine.

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« C’est Malvy, c’est Malvy, je n’y peux rien, c’est elle qui m’a choisi… » chantait approximativement Salvatore Adamo, dans les années 75. C’est ce que pourrait fredonner Gabriel Lecouvreur en décachetant l’enveloppe que vient de lui remettre Gérard, le patron du bar-restaurant Au pied de porc de la Sainte-Scolasse. Il était arrivé dans le rade avec à la main un bouquin qu’il venait d’acquérir chez un bouquiniste et dont la couverture ainsi que le titre l’avaient attiré. Une vive discussion s’ensuit sur ce roman qui fut adapté au cinéma. Gérard le bistrotier est furieux et l’un des consommateurs, Milton Edouard, prof de lettres, s’interpose afin de fournir des indications historiques sur cet ouvrage et son auteur. Il s’agit du Juif Süss de Lion Feutwanger, un écrivain allemand issu de la bourgeoisie juive et dont le livre était une condamnation de l’antisémitisme mais dont le propos fut détourné lors d’une adaptation cinématographique. En mémoire de soirées passées ensemble à Collioure mais aussi et surtout parce qu’il est dans une mauvaise passe Gaston Galois--Malvy demande à Gabriel de venir l’aider. En réalité il est franchement dans la panade. Fabrice Doucrier, jeune journaliste récemment diplômé a été retrouvé mort sur les berges de la Garonne et Gaston est fortement soupçonné de l’avoir assommé puis jeté à la baille. Gaston avait entrepris d’effectuer des recherches généalogiques sur sa famille et son nom de Malvy. Et il avait constaté que pratiquement tous ces ancêtres avait été enseignants, originaires du Quercy ou de Gascogne. Or le nom de Malvy est attaché à celui de Dreyfus, car un Louis-Jean Malvy, ténor du Parti Radical avait été ministre de l’Intérieur durant la première guerre mondiale (et grand-père de Martin Malvy, adhérent PS et auteur d’un score fleuve lors des régionales de 2010). Pacifiste convaincu il s’était attiré les foudres de Clémenceau, d’un côté, et de l’extrême-droite royaliste menée par Léon Daudet, de l’autre. En 1917 Louis-Jean Malvy passa en Haute Cour de Justice et fut condamné à cinq ans de bannissement du territoire français. Cinq ans plus tard il était réélu député en terre quercynoise. Gaston Galois--Malvy et Louis-Jean Malvy ont-ils en commun un lointain cousinage ? Ses recherches généalogiques le détermineront peut-être. Doucrier signait des articles dans différentes petites revues dont Rock33 et surtout la Dernière Action Française, journal des dissidents royalistes géré en sous-main par Charles de Villeneuvette et dont les bureaux se situent à Bordeaux. Comme Gaston est un ami, perdu de vue il est vrai, et que Chéryl s’est entichée de Jean-Pascal un jeune stagiaire même pas majeur, Le Poulpe décide d’aller dans le Bordelais et d’enquêter. Avec Olympe la sœur de Gaston il va se retrouver au cœur d’une affaire mi-politique mi-crapuleuse, dans laquelle les RG s’ingénient à vouloir s’immiscer. Gabriel fera la connaissance entre autre de Nadine, dernière petite amie officielle de Doucrier, lequel signait dans la DAF D’Oucrier, patronyme qui lui conférait un petit air de noblesse. Nadine est ostréicultrice et je ne peux m’empêcher d’établir un parallèle entre les huitres et les journaux : dans les deux on trouve des perles, plus souvent dans les journaux je le concède que dans les mollusques du bassin d’Arcachon.

Ce qui prévaut dans ce roman de François Darnaudet, ce n’est pas tant l’intrigue que la partie documentation sur l’origine des Malvy et sur l’Action Française de Léon Daudet, Charles Maurras et quelques autres. Mais également ce constat qu’Internet n’a pas que du bon. Ainsi lorsque Gaston effectue des recherches sur l’origine du nom Malvy il tombe sur des sites pronazis insinuant que Malvy serait un dérivé de Malca-Lévy. Des affirmations gratuites qui évidemment sentent l’antisémitisme et ne sont que des prolongements des allégations édictées par Maurras, Daudet et consorts. Par ironie Gabriel se présente comme journaliste à Généalogie, revue dont le nom se passe de commentaires, sous le pseudo de Gabriel Dreyfus. Ce livre est hautement recommandable, ne serait-ce que pour démontrer que l’hydre antisémite n’a pas fini de nous pourrir l’existence. Et comme à mon habitude, je n’ai pu m’empêcher de relever certaines petites phrases explicites : « De toute manière, les flics avaient de moins en moins de prétexte crédible pour mettre qui leur plaisait en garde à vue ». Ceci pour la partie bon sens populaire et que ne désapprouveront pas la plus grande majorité de nos concitoyens qui se retrouvent en geôle pour des peccadilles. Pour la partie humour, je vous propose celle-ci : « Un chauve de deux cents kilos traversa la pièce, les poings fermés, et le visage dur comme une réforme de l’UMP ». Et pour confirmer le proverbe qui dit « jamais deux sans trois », la petite dernière : « Personne ne veut de moi… Je finirai seule et abandonnée, comme Bayrou ». Etonnant non ?

Paul Maugendre