La trentaine bien avancée, toujours célibataire au grand dam de sa mère, Paul Marchand est journaliste dans un grand magazine hebdomadaire parisien. Pour arriver à cette place, il a galéré, accepté les piges mal rémunérées, dans diverses publications. Aujourd’hui, en cette fin octobre, il est bien installé dans son nouvel emploi, les pieds posés sur son bureau, à la recherche d’une idée de reportage. L’idée lui est soufflée par son copain Bernard, qui travaille au ministère des Affaires étrangères. Le matin même les services du ministère ont décrypté un message en provenance du consul de France en poste à Sainte Hélène et dont la teneur est pour le moins ambiguë. « Nous confirmons que, comme lors des entretiens précédents, la tombe de Cipriani est toujours vide ». Cipriani fut le maître d’hôtel de Napoléon, son ami, son compatriote, son cousin plus ou moins germain, décédé en 1818 dans d’atroces conditions sur l’île où séjournait emprisonné l’empereur déchu. Or le 4 décembre est prévue à Austerlitz une reconstitution de la fameuse bataille dans le cadre du bicentenaire. Un sujet d’article tout trouvé pour Paul Marchand d’autant que les parents de Bernard entretiennent vis-à-vis de l’empire une nostalgie certaine. Un rendez-vous dinatoire est donc organisé chez Georges et Odette, les parents de Bernard. Georges explique quelques points obscurs sur la vie de Napoléon lors de sa résidence forcée, sur les conditions de détention, sur le décès de son héros et sur les soupçons qui perdurent sur la translation de son cadavre aux Invalides. Selon lui et ses amis, ce ne serait pas le corps de Napoléon qui serait enfermé dans le sarcophage de porphyre rouge mais celui de Cipriani. D’ailleurs, ce qui est surprenant, c’est l’absence de croix, de références sur ce cercueil de pierre qui est sensé en refermer d’autres selon le principe des poupées russes. Et comme si cette révélation ne suffisait pas, une nouvelle surprise attend Paul : deux Dragons, Michel et Lucien, se présentent chez Georges et Odette, en uniforme, cuirasse et casque empanaché. Deux amis de Georges, fervents napoléoniens eux aussi et qui aiment se déguiser en fidèles de l’empereur. En repartant de chez les parents de Bernard Paul remarque une voiture grise, qu’il avait déjà aperçu auparavant et qui semble le suivre. Alors qu’il retranscrit ses notes en compagnie de Cécile une collègue qui lui passe certains de ses défauts, dont celui de fumer plus qu’une usine métallurgique au XIXe siècle, il reçoit un appel téléphonique de son ami. La maison de Georges et Odette a brûlé et les cadavres des occupants ont été retrouvés à l’intérieur. Une malveillance, un double meurtre assurément. Dès lors cette enquête devient primordiale aux yeux de Paul, enquête qu’il conduira en compagnie de Cécile qui peu à peu deviendra plus qu’une collègue, mais ça c’est hors sujet. Grâce à Michel et à sa femme, dont l’intérêt est plus motivé par l’histoire du neveu, celui qui deviendra Napoléon III, ils se lancent dans une chasse aux indices qui les conduiront à Rome chez une descendante de la princesse Caroline Murat. Mais le sort s’acharne sur les personnes qu’ils rencontrent, car peu après ils apprendront que la vielle dame est décédée dans des circonstances troublantes. Le hasard n’est pas en cause et ils se rendent compte qu’ils font bien l’objet de la surveillance de personnages n’hésitant pas à effacer derrière eux toutes traces physiques et humaines concernant cette nébuleuse affaire de substitution supposée de cadavres.
Personnellement je ne suis pas un fanatique de Napoléon, loin de là, mais comme cette histoire n’en est pas une apologie, je me suis laissé entraîner avec plaisir. D’autant que l’auteur a su doser enquête et rétrospective. Nous sommes conviés à assister à la translation du tombeau de Napoléon dans l’église du dôme des Invalides le 2 avril 1861 avec comme participants principaux Napoléon III, Eugénie et leur jeune fils Louis. La fin du règne de Napoléon III puis la mort de Louis, considéré et appelé par les Bonapartiste comme Napoléon IV, sa fin tragique en Afrique du Sud sous les sagaies des Zoulous, nous sont décrits sans emphase, sans nostalgie. L’auteur se contente de relater des faits, qui pour la plupart sont exacts, dans la partie historique. Dans la partie intrigue située de nos jours, l’intensité n’est jamais mise en défaut, même dans l’épilogue que l’on pourrait croire tirée par les cheveux et amphigourique. Comme je suis un petit obsédé des dates et des chiffres, je suis toutefois circonspect quant à cette affirmation « A vingt-trois ans, majeur depuis cinq ans déjà, Louis… » Il me semblait que la majorité légale était à cette époque de vingt et un ans, depuis 1793 (loi du 20 septembre 1792) et qu’elle n’avait été abaissée à dix-huit ans que le 5 juillet 1974. A vouloir être trop précis… Nonobstant ce petit détail La Clé des Invalides non plonge dans une intrigue solide agréable à lire.
Paul Maugendre