Jean-Pierre LELOIR et Stéphane KOECHLIN : Portraits jazz. Editions Fetjaine.
Cet ouvrage est un véritable objet de luxe à feuilleter délicatement, à regarder les yeux grands ouverts, à lire avec recueillement. Et c’est bien là le dilemme : doit-on le parcourir rapidement afin d’engranger les images comme un simple album photos, ou lire page après page les textes de Stéphane Koechlin et parfois les commentaires de Jean-Pierre Leloir qui « illustrent » les clichés magnifiques de ce photographe qui débuta ses reportages sur les jazzmen avec un appareil vide prêté par Moussenpes, photographe de mode chez qui il est stagiaire ? Ne faites pas comme moi, ne cherchez pas le sommaire, il n’y en a pas. Et c’est tout aussi bien car le lecteur peut partir à la découverte sans être guidé. A moins d’ouvrir d’une manière classique cet ouvrage à la première page et de dérouler tranquillement la pellicule, en alternant les photos en noir et blanc et celles en couleurs. Quant aux textes de Stéphane Koechlin, qui a signé il n’y a guère un petit livre sur Jimi Hendrix, ils sont à la hauteur des photos et les complètent agréablement, sans pédanterie.
Il serait peut-être fastidieux, tout autant pour le scripteur de cet article que pour le lecteur, d’énumérer tous ceux qui ont posé, à leur insu ou volontairement, devant l’objectif de Jean-Pierre Leloir. Mais je peux vous dévoiler qu’on rencontre au détour des pages des photos étonnantes, réalisées sans affèterie, prises sur le vif ou dans des attitudes simples, les participants à ces séances se tenant au service de l’image en toute décontraction.
Parmi celles que j’ai particulièrement appréciées, et que j’estime les plus marquantes pour de diverses raisons, esthétiques, historiques, nostalgiques, personnelles et autres, je citerai par exemple :
Erroll Garner et Boris Vian se serrant la main au Bourget le 2 décembre 1957 avec en arrière plan le fuselage d’un avion.
Ray Charles dans une image rare prise à l’Olympia en mai 1962 et sur laquelle figure le célèbre pianiste au saxo en compagnie d’autres musiciens et leurs cuivres.
Ou encore Bill Evans engoncé dans son manteau, les mains posées sur le clavier de son piano, semblant dormir, à moins qu’il soit en pleine méditation. Une photo prise à Bruxelles le 9 février 1965 pendant l’enregistrement d’une émission de télévision.
Et que dire de Roland Kirk avec ses cuivres en bouche comme autant de sarbacanes destinées à propulser les sons vers des conduits auditifs subjugués par cette performance.
On retrouve également l’élégant Duke Ellington, le jovial Louis Armstrong, le sombre Miles Davis, l’émouvante Billie Holliday, le contesté Ornette Coleman, l’octogénaire Sonny Rollins, et combien d’autres allant de Ray Brown à Buck Clayton en passant par Don Cherry…
Et je pourrais ainsi accumuler les exemples mais ce serait par trop déflorer le contenu de cet ouvrage digne de figurer dans vos chaussures lors du passage du père Noël, ou à offrir à un(e) ami(e) qui vous est cher(e), ce qui n’est pas le cas du livre : 29,90 € pour ce volume cartonné avec jaquette, papier glacé, tout le contraire des photos et des textes qui eux font chaud au cœur.
Paul Maugendre