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Gérard Delteil : Spéculator

Editions de l’Archipel.

Comment réussir un livre jubilatoire en utilisant de vieilles recettes littéraires ? C’est ce que de nombreux auteurs ont effectué en empruntant, avec plus ou moins de bonheur, les aventures de Julien Sorel ou d’Edmond Dantès par exemple, et en les assaisonnant à leur propre sauce, ajoutant ou se débarrassant des ingrédients secondaires composant le plat initial. C’est le pari lancé, et gagné, par Gérard Delteil qui effectue un recyclage de protagonistes créés au XIXème siècle en les intégrant dans un ouvrage résolument ancré dans le XXIème. Je ne vous délivre pas encore le nom du roman que Gérard Delteil s’est amusé à pasticher, vous laissant le soin de découvrir son titre et son auteur au fur et à mesure de la lecture de cette chronique, ce qui ne devrait pas être d’une difficulté insurmontable.

Daniel Batz, originaire de Tarbes et informaticien de haut niveau, est recommandé par son oncle auprès d’une société sous-traitante de la société Geodhia, multinationale dont une antenne de Bangalore a mis au point un logiciel sophistiqué de spéculation boursière. Il est accueilli par Fréville et ses hommes Delafère, Tommy et Chamberlain. Delafère dont le nom de code est Tosha et ses compagnons, Tommy personnage imposant qui aime fréquenter les tripots, et Chamberlain, ancien séminariste qui avoue sans complexe son homosexualité, prennent en charge le nouveau venu en le chambrant parfois. Batz loge dans un petit studio loué par les Constant, un couple de façade. Et la jeune madame Delphine Constant se laisse séduire par le jeune homme. Elle est la secrétaire particulière de Anne Leroy-Murcia, directrice ainsi que son mari René-Louis Leroy de Gheodia. Si Anne Leroy-Murcia possède ses alliés et défenseurs en Fréville et ses hommes, René-Louis et surtout Duplessis, son conseiller et représentant d’un fond de pension américain en France sont secondés par Crochemore et ses séides, et une jeune femme mystérieuse qui selon les missions qui lui sont confiées se fait appeler Faye Turner ou Lana Dunaway. Spéculator, le logiciel révolutionnaire ne peut fonctionner qu’avec une clé USB, qui n’existe qu’en un seul exemplaire et comportant une puce avec des codes qui ne sont pas déchiffrables par le premier venu. Or Anne remet à son amant Vorchilov cette clé, cachée dans un pendentif, reproduction d’un bijou du XVIème siècle. Vorchilov est un oligarque russe qui ayant déplu à Poutine s’est exilé en Europe et vit le plus souvent à Londres. Vorchilov se fait dérober la clé par Faye Turner, mais Anne grâce à Batz et consorts peut présenter une fausse clé USB lors du comité exécutif auquel participe Duplessis et consorts. Ensuite une grève dans une usine sous traitante de Gheodia qui doit être délocalisée, perturbe les dirigeants de la multinationale et Batz et ses compagnons sont obligés d’aller récupérer sur place, c’est-à-dire près de Rennes, des disques durs sur lesquels la comptabilité de la société pourrait mettre à mal cette évasion à l’étranger, en compagnie de Crochemore et ses hommes. L’affaire se complique avec l’assassinat de madame Constant.

Vous aurez bien entendu reconnu une parodie des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, et Gérard Delteil ne s’en cache pas. Les noms des protagonistes, ou leur physique, sont transparents et l’on rencontre au détour d’une page un certain Maquet. D’ailleurs l’auteur s’en explique dans sa postface, nous livrant sa propre version de la lecture des Trois mousquetaires, et son analyse de ce roman universellement connu. Et il est vrai qu’il apporte une autre vision sur ce roman et si l’on réfléchit bien, il a tout à fait raison avec son exposé critique recevable même si les personnages des Trois mousquetaires continuent de susciter l’engouement. Gérard Delteil n’a pas effectué un copier-coller et s’il emprunte personnages et situations, en les transposant à notre époque, il réalise un tour de force, car au fur et à mesure de la lecture on oublie l’aspect dumasien pour se plonger dans un roman novateur. Une ressemblance qui s’estompe devant les événements décrits et les sujets traités. Un roman digne de figurer auprès des grands classiques déjà évoqués. Et qui s’offusqua de l’adaptation d’Orphée aux Enfers par Marcel Camus dans son film Orfeu Negro ?

 

Paul Maugendre.

 

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