Le vieux Lyon est comparable à un morceau d’Emmenthal, traversé de part en part de ruelles, de couloirs étroits, de passages discrets appelés traboules. Et la Gaga des traboules, c’est Célestine Boudain (avec un A entre le D et le I, pas de jeux de mots laids s’il vous plait, un peu de décence merci !), Célestine donc qui fut en son temps une chanteuse réaliste et connut plus qu’un succès d’estime sous le nom de Lily Lamour, voyageant de par le monde dans les années cinquante. Mais la cigale, c’est bien connu n’est pas comme l’Écureuil qui engrange le pognon des autres. Bref l’étoile de notre brave ex-artiste a pâli et comme ses neurones se court-circuitent dans un cerveau quelque peu délabré, elle végète tout en revisitant son répertoire pour quelques inconditionnels. Mais accuser Célestine de meurtre, voila qui est impensable et pourtant lorsque quelques passants la découvre ruelle Punaise en berçant un jeune homme qui vient d’être assassiné, il existence une présomption de culpabilité. Pour Victoire Amalfi, commissaire au SRPJ de Lyon, il est peu probable que cette vieille artiste soit incriminable aussi elle consent à accéder à sa demande : en parler à sa nièce qui s’est retirée au couvent de Sainte-Croix. Pendant ce temps une autre affaire accapare les gendarmes dans un coin du Beaujolais, le raisiné a coulé.
Le jeune conducteur d’une camionnette qui transportait des marionnettes a été liquidé. Subsistent des traces de pneus de motos, ce qui pour l’heure ne les avance guère dans leurs recherches. Seulement il apparait que le chauffeur effectuait une livraison au noir, sans avoir prévenu son patron et ce trafic de marionnettes, dont le recensement monte à deux cents pièces, intrigue les hommes en bleu, d’autant que ces Guignol, Gnafron et autres Madelon ont eu la tête tranchée. Au couvent de Sainte-Croix un différend oppose Sœur Guillemette à Sœur Blandine sous le patronage de la mère supérieure pour une vague histoire d’autocollants apposés sur la vitre arrière de Titine, le véhicule des religieuses. C’est dans cette ambiance survoltée que Gontrand Cheuillade, journaliste à l’âge avancé et compagnon de Victoire Amalfi, se fait annoncer.
La nièce de Célestine n’est autre que sœur Guillemette mais Sœur Blandine par la relation des faits alléchée ne peut s’empêcher de s’immiscer dans cette réunion familiale. Faut avouer, pour ceux qui ne connaitraient pas encore cette trentenaire accorte et fort jolie, fut commissaire de police elle aussi et son engagement en religion ne lui a pas enlevé la passion de l’enquête. Koestler le commandant de gendarmerie, Victoire la commissaire de police et Blandine vont unir leurs efforts afin de résoudre cette énigme meurtrière qui va beaucoup plus loin qu’un minable trafic de marionnettes. Des figurines qui sont fabriquées par les pensionnaires d’une association composée d’anciennes gloires du music-hall et dont Célestine faisait partie. Mais Blandine possède sur ses alliés une aide précieuse, celle que le Très Haut lui envoie sous forme de signes qu’elle sollicite. Mais les messages ne suffisent pas, il lui faut également se servir de son expérience policière et de ses petites cellules grises pour dénouer une intrigue particulièrement retorse.
Dans un style alerte, humoristique, qui se rapproche du registre de Charles Exbrayat, Philippe Bouin nous invite à suivre les péripéties de Sœur Blandine qui n’est pas à mon humble avis un succédané d’Imogène, laquelle je rappelle est Ecossaise, mais se rapprocherait plus de Sœur Thérèse.com. Imogène est bagarreuse, soupe au lait tandis que Blandine est beaucoup plus posée. Une série qui est totalement différente des ouvrages pour lesquels Philippe Bouin utilise comme décor le Nord et le Pas de Calais comme Comptine en plomb ou encore Paraître à mort, des romans aux sujets beaucoup plus graves et qui prennent leur genèse dans des drames dont l’Histoire est une grande pourvoyeuse.
Un livre très agréable à lire malgré quelques longueurs, à moins que ces longueurs, des circonvolutions comparables aux traboules, ne soient que des sauts de haie pour empêcher le lecteur de découvrir trop rapidement la solution.
Paul Maugendre.
Retrouvez les chroniques de Paul Maugendre sur son blog dédié au polar et au jazz à l'adresse suivante: http://mysterejazz.over-blog.com