Le nouvel album du saxophoniste français installé à New York Jérôme Sabbagh, "Heart", est, comme son titre l’annonce, une histoire de cœur. Le cœur qu’on met à l’ouvrage, d’abord. Celui que Jérôme Sabbagh a décidé de mettre au service d’un ambitieux projet : la création de Analog Tone Factory, un label qu’il a décidé de fonder avec le pianiste et ingénieur du son Pete Rende, dont "Heart" constitue le premier opus.
"Pour moi, les standards et les compositions originales sont complémentaires, et j’ai longtemps travaillé pour que ces deux faces de mon jeu s’unifient. J’aurais pu faire des disques comme Vintage ou Heart dix ou vingt ans plus tôt ; si j’ai attendu, c’est que je ne me sentais pas prêt à jouer avec des maîtres comme Kenny ou Al. Désormais, j’ai une idée plus précise de la manière dont je veux jouer du saxophone et dont jeveux interpréter de tels morceaux", souligne Jérôme Sabbagh.
L’écoute de son album le confirme : ce qui frappe, c’est une manière d’aller à l’essentiel, de choisir des notes qui ont toutes leur sens, des tempos qui font respirer les mélodies; et de construire un propos qui ne cherche jamais à impressionner l’auditeur par sa vélocité mais plutôt à l’enchanter par la grâce d’une phrase, la douceur moelleuse d’une sonorité, la sincérité d’un chant.
Le jeu d’Al Foster, qui s’est épuré au fil des ans, y est pour beaucoup, très axé qu’il est sur les cymbales, la pulsation fondamentale du swing, et quelques figures élémentaires qui donnent à la musique son relief. Le batteur appartient à une génération qui connait le jazz de l’intérieur, pour en avoir écrit certaines des pages les plus illustres. Son style est inimitable :
"Al est d’une musicalité incroyable. Tout ce qu’il joue se rapporte directement à la mélodie du morceau, à ce que le soliste ou quelqu’un d’autre dans le groupe est en train de jouer, ou à quelque chose qu’il entend très clairement. Il n’y a jamais rien d’arbitraire dans son jeu. La clarté de sa cymbale est sans égale. Tout ce qu’il joue est enraciné dans la tradition et, pourtant, il fait des choses que je n’ai jamais entendu aucun batteur faire", déclare le musicien français.
Complice de cette aventure depuis le début, déjà partie prenante de plusieurs albums du saxophoniste , le contrebassiste Joe Martin est le pilier harmonique et rythmique dont ce trio avait besoin pour trouver un équilibre optimal. Avec une telle assise, le ténor peut laisser libre cours à son lyrisme. La sonorité des trois musiciens ressort avec toute la clarté, la précision, et le relief qu’elle mérite.