Hughes Kieffer, directeur artistique de Marseille Jazz des 5 Continents, a présenté à Jazz Radio, la nouvelle édition du festival qui commence le 30 juin pour se terminer le 13 juillet. Pour cela, il a eu des mots simples mais forts qu'on vous livre ici en forme d'introduction.
"Il y a beaucoup de concurrence mais je pense qu'on a aussi besoin de se retrouver dans une atmosphère à la fois festive et apaisée dans ce monde-là. Le jazz permet de s'échapper de plein de contraintes et offre des soirées où on se sent bien et où on peut laisser libre court à son imagination, à ses instincts d'amour et d'échange parce que ça existe encore. Même dans un monde angoissé ou anxiogène, chaque personne n'a qu'une seule envie, c'est de libérer sa part de gentillesse, de tendresse, d'émotion et de sympathie pour son voisin."
Un programme qui donne envie...
Le festival se déroule du 30 juin au 13 juillet mais en réalité, cela ne s'arrête jamais puisque vous avez des dates un peu toute l'année...
C'est vrai que, depuis quelques années, on a essaimé, on s'est étendu, on a gagné du terrain, du temps et des nombres de concerts. Maintenant, on parcourt la métropole dans plusieurs destinations, des villages, des écoles, des théâtres, etc. Vraiment, on a étendu notre domaine de la lutte pour défendre le Jazz des 5 Continents. Cela nous permet de rencontrer des gens qui n'ont pas d'image précise de la grande diversité de cette musique ou qui pense qu'elle est difficile d'accès. Toutes les actions que nous menons, particulièrement dans les écoles se font en collaboration avec les artistes qui vraiment font le lien, montrent comment la musique fait partie de la vie, que l'expression de soi que l'on connaît dans le jazz à travers l'improvisation, c'est quelque chose qui peut se travailler depuis le plus jeune âge. Il y a aussi des messages de partage, d'écoute de l'autre qui sont écoutables et peuvent être mis en oeuvre dès l'enfance. C'est tout ce travail que l'on mène dans les écoles par exemple. Et dans les communes, l'idée, c'est d'amener les artistes au plus près des gens, qu'ils n'aient pas à se déplacer dans des festivals qui sont loin de chez eux. L'idée, c'est aussi de proposer le plus de dates possibles et de surfaces de contact pour les artistes de jazz.
Vous annoncez cette année une édition ouverte sur le monde mais on a l'impression que, à l'image de Marseille, cela a toujours été le cas ?
On a créé Jazz des 5 Continents pour se donner cet horizon de la planète, oui. C'est la ligne artistique du festival d'être ouverte sur le monde et cette année, par les temps qui courent, cette volonté et ce message s'affirment encore un peu plus. On rencontre à la fois beaucoup de soutien et quelques difficultés et on a la volonté de dire que c'est par cette positivité, cette voie de la rencontre et de l'échange que l'on pourra trouver des solutions à certains problèmes qui sont très profonds dans notre société.
Accueillez-vous des créations cette année parce qu'on sait que ce sont des projets qui vous tiennent à coeur ?
Cette année, il n'y a pas de création pure mais des cartes blanches à Kyle Eastwood par exemple, la rencontre avec Robin McKelle est un moment important pour nous. La venue de Madison Mcferrin aussi, c'est quelque chose qui est assez original parce qu'elle n'est pas encore très connue de ce côté de l'Atlantique. Sa carrière commence seulement à se développer et on était très heureux de proposer cette artiste. Cette année, on a un axe très fort, on accueillera, avec Raphaël Imbert et la classe supérieure de jazz du conservatoire de Marseille, le collectif Révérence qui vient d'Atlanta, pour rencontrer les musiciens locaux dans un jazz club, le Jazz Club 222, que l'on va créer pour l'occasion et où il y aura des rencontres incroyables, des battles, des échanges, tout ce que l'on aime dans le jazz. Autour de ça, il y aura des masterclass, des rencontres avec d'autres disciplines.
L'une des premières dates annoncées en fin d'année dernière, c'est la venue de Gregory Porter qui va se faire très rare cette année en France et vous avez réussi à le programmer. C'est une soirée doublement Grégory puisque Grégory Privat sera sur scène en première partie. Ce sera le vendredi 12 juillet dans le magnifique cadre des jardins du Palais Longchamps...
Oui, c'est une soirée d'excellence non (sourires) ? C'est ce genre de soirée dont on est assez fier quand on parle de jazz. On est très heureux aussi en termes de contenus, de messages, de ce que l'on veut exprimer quand on dit qu'on fait le jazz. Effectivement, on accueille les plus artistes de la planète à Marseille. Ce n'est pas pour frimer mais pour dire que les gens d'ici peuvent aussi avoir accès à ces artistes-là. Et puis, Grégory Privat est l'expression de ce qui se fait un peu de mieux dans le jazz actuel en France. C'est vraiment l'excellence dans la diversité. Il reste encore quelques places, il faut en profiter ! Il reste aussi quelques places pour d'autres belles soirées mais cela se remplit au fur et à mesure qu'on approche de la date. Il faut venir !
Il faut aussi venir découvrir un artiste dont on parle beaucoup également, Léon Phal...
En nous plongeant dans cette jeune génération qui amène quelque chose de neuf dans le jazz avec une énergie folle, on a compris que Léon Phal en était un de ses représentants majeurs, à la fois dans la créativité et dans le jeu mais aussi dans la manière d'aborder la musique, il joue avec plein d'autres gens, il est très collectif, il partage. C'est une soirée que l'on programme dans un lieu justement orienté vers la jeune génération pour montrer que cette musique jazz n'est pas réservée à une élite âgée. Là, on est à la Friche de la belle de mai avec Bada Bada qui est un autre représentant du jazz qui envoie. Les deux dans la même soirée, c'est aussi une fierté car c'est de la musique actuelle, de la musique d'aujourd'hui et le jazz en fait partie, il n'est pas repoussé dans un coin.
On a parlé de Madison Mcferrin mais, le même soir, il y aura Keziah Jones et José James...
José James viendra présenter son nouvel opus et a atteint une maturité et une qualité qui nous surprend. Mais ça continue d'augmenter ! Et Keziah Jones, sa réputation n'est plus à faire. Son aura et son charisme sont incroyables et traverse les époques et les genres tout en étant bien orienté dans son histoire. C'est une programmation que l'on a voulue écrite un peu comme une composition et qui permet de faire un parcours, à la fois à travers les lieux de Marseille, parce que chaque lieu de Marseille a une spécificité et un caractère très propre, aussi dans l'histoire de la ville. Cela offre aux spectateurs une atmosphère particulière et les artistes sont programmés en fonction de ces lieux-là.
Parlez-nous aussi de la venue de David Walters le samedi 13 juillet...
Cette soirée va s'ouvrir avec Marion Rampal et son nouvel album, ses orientations un peu folles, sa musique ouverte et perméable à ces influences qui vont au-delà de la France. Elle créé quelque chose de vraiment particulier avec laquelle elle atteint l'excellence. Juste après, il y aura David Walters qui lui aussi a traversé le monde, a rencontré d'autres communautés, d'autres cultures à partager, échanger et porte la créolisation vers la fête comme il le dit lui-même dans son projet mais avec un message fort. La fête que l'on retrouve aussi avec Roberto Fonseca et qui rend hommage à toute cette culture du latin-jazz dans son projet de cabaret. Donc, quand on parcourt cette soirée, on est dans une approche très joyeuse, très festive où l'on retrouve aussi un aspect nostalgique ou mélancolique... C'est une mélancolie joyeuse et festive qui fait qu'on peut se retrouver en train de danser à 6h du matin, enlacés, au lever du jour. C'est cette atmosphère particulière que l'on veut pour clôturer cette édition 2024...
Propos recueillis par Benoit Thuret
Texte écrit par Grégory Curot