Flavia Coelho : "Je suis musicienne, je suis une artiste de la rue"

Flavia Coelho : "Je suis musicienne, je suis une artiste de la rue"
Flavia Coelho lors d'une performance au Summerjam.

Elle vient de dévoiler son cinquième album intitulé “Ginga”.

Lors de son passage à notre soirée "Docks Live Sessions", le 22 mai dernier, la talentueuse Flavia Coelho a abordé ses inspirations musicales, son héritage culturel et a pu détailler la création de ce tout nouvel album "Ginga", disponible depuis le 31 mai dernier. Un mot évocateur qui signifie "jeu de jambes" en portugais et qui représente bien ce tout nouvel opus créé dans un but simple : danser. 

Comment s'est déroulé le processus de création et d'écriture de cet album ?

Ça m'a pris un an et demi au total et j'ai composé une centaine de titres. Avec mon producteur Victor Vagh, on souhaitait apporter quelque chose de nouveau avec ce cinquième album. Il y a eu beaucoup de voyages, d’écriture et de lectures. J'ai aussi fait un an d'écoute approfondie de musique classique, afin de mieux comprendre comment on fait pour attraper les gens par les émotions, par les accords...

On retrouve depuis toujours dans votre musique une certaine dualité, notamment avec cet album joyeux, qui comporte à la fois gaieté et mélancolie...

Oui, c'est quelque chose de très sud-américain je dirais, très brésilien, de chanter sous la douleur et d'essayer de transcender l'adversité de la vie par le biais de la musique. J'essaie de le faire depuis très longtemps. Les 26 ans que j'ai passés au Brésil ont été rempli de moments de galère, de moments de bonheur, de poésie, mais aussi d'histoires compliquées.

Cet album, on le découvre tout d’abord avec un titre très tendre, un hommage aux femmes que vous avez connues quand vous étiez enfant, adolescente au Brésil, et un hommage à votre maman...

Oui, la chanson, ‘Mama Santa’, c’est un recueil de phrases que j’ai entendues pendant la période de ma vie durant laquelle j'ai grandi au Brésil. C’est un pays très féminin, on est très nombreuses et on s'occupe les unes des autres. Les thématiques de sororité et de bienveillance, ce sont des choses que je connais depuis toujours, par cette difficulté de grandir dans les quartiers. On fait notre psychanalyse, on se maquille, on est coiffeuses les unes des autres. C’est grâce à ce socle-là que je suis devenue la femme que je suis. J'y parle d’une période précise, de cet éveil de mon adolescence à l’âge de femme, dans les années 1990-2000. Pour moi, c'est important de démarrer ce disque par cette histoire très féminine.

Est-ce que votre disque sonne comme la musique brésilienne actuelle ?

Ce serait très prétentieux de ma part de dire que mon disque ressemble à la musique du Brésil d'aujourd'hui. Là-bas, il y a de la musique partout, c'est un pays multidiversifié. On a quand même 26 États, 250 millions de personnes et des milliers qui font des disques sans arrêt. Mon objectif est de montrer justement aux gens que le Brésil n’est pas resté dans les années 50. Je me bats depuis toujours afin d’essayer d’enlever aux gens cette image du ‘Brésil des cocotiers’. Il y a de la basse, du baile funk, du reggae, du ragga, du hip-hop. J’ai grandi au milieu de cette musique-là, donc je ne pouvais pas m'en tenir à un seul genre musical, ça n'aurait pas été représentatif.

Votre musique est métissée, il y a toujours du funk, du reggae...

À chaque disque, j’essaie de relever le défi de mélanger un nouveau style avec le portugais du Brésil. Dans cet album, j’ai utilisé de la G-Funk, qui est un son vraiment très américain, très hip-hop et j’ai essayé d'en faire une version brésilienne. J'ai aussi incorporé de l'Amapiano, un style de musique qui vient de l'Afrique du Sud et du Mozambique, pays dans lesquels j’ai beaucoup voyagé. C’était un travail assez difficile mais c’est ce que j’aime faire avec la musique, relever le défi de qu’on pense impossible au premier abord.

Vous parlez portugais mais aussi français, langue dans laquelle vous chantez maintenant.

“De vous à moi” est le premier morceau que j’écris à 100% en français. C'est une sorte de déclaration. J'aime beaucoup les déclarations d’amour. Les gens me disent tout le temps ‘Flavia, tu parles beaucoup d’amour’. Oui, car l’amour c’est la base de tout pour moi. Il faut parler des choses qui ne vont pas bien sûr, mais dans mes chansons, j’essaie de trouver une solution. Je voulais justement évoquer ‘l’amour à la brésilienne’. C’est un défi d’écrire en français, car c’est une langue que j’essaie encore de maîtriser. J’ai encore beaucoup de progrès à faire mais ça a été fait sans aucune prétention, avec beaucoup de simplicité.

Vous n'avez pas pris de véritable pause depuis un certain temps. Vous avez ce besoin constant de travailler ?

À vrai dire, pour la petite histoire, à la fin de la tournée de mon album précédent, qui a été raccourcie suite au confinement, j’ai réussi à faire quelques concerts en Sound-System. C’est à ce moment-là qu’Ibrahim Maalouf m’a invitée à chanter ce titre sur son album. Et je devais faire une pause, mais il m’a dit ‘Mais non ne fais pas de pause, viens on va faire une tournée’. C’est au moment où j'ai dit que j’arrêtais et que je faisais une pause que j’ai reçu plein de propositions extraordinaires. Et je suis musicienne, je suis une artiste de la rue, donc je vis de ça, je vis de la musique, je vis des rencontres. Il n'y a pas de raison que je m'arrête en fait !

Propos recueillis par Benoit Thuret

Texte écrit par Ambre Djadli