Ce lundi 13 mai débute le festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés par un concert de Stacey Kent au Théâtre de l'Odéon. Le reste de la belle programmation de cette manifestation est à retrouver ici. Vous pourrez notamment retrouver Kareen Guiock-Thuram, Fred Hersh ou encore le quartet Emile Parisien. Et vous savez quoi, il reste quelques places mais dépêchez-vous, elles partent comme des petits pains à l'approche des dates. Alors que l'heure approche, Jazz Radio a interviewé Frédéric Charbaut co-directeur, co-fondateur et programmateur du festival qui fête cette année sa 23e édition.
L'une des spécificités de Jazz à Saint-Germain-des-Prés, ce sont les lieux. C'est aussi une visite de Paris car vous choisissez des scènes qui ne sont pas des lieux où les musiciens de jazz se produisent habituellement...
C'est notre slogan d'ailleurs "concerts uniques dans des lieux exceptionnels". La raison est simple. Quand on a commencé à réfléchir à créer un festival à Saint-Germain-des-Prés, un lieu mythique pour le jazz, dans le 6e arrondissement de Paris, les clubs du quartier avaient disparu. Notre premier défi a été de se dire : où va-t-on ? On s'est intéressé aux lieux qui sont le patrimoine historique du 6e et du 5e arrondissement à Paris : le théâtre de l'Odéon, l'église de Saint-Germain des Prés, celle de Saint-Sulpice, la maison de l'Océan, la Sorbonne, le théâtre de l'Alliance française, etc, etc. Cela fait beaucoup de lieux où nous avons dû nous présenter, dire qu'on était et ce que l'on voulait faire. A chaque fois, cela a été un vrai challenge. Aujourd'hui, on peut y retourner parce qu'on n'a rien cassé (rires).
Pourquoi vous être rendus la tâche plus difficile en choisissant ce type de lieux pas forcément adaptés à des concerts ?
On aime bien les défis déjà mais si on ne va pas là, où peut-on aller ? Outre le théâtre de l'Odéon, il y a très peu de lieux dédiés aux spectacles dans le 6e arrondissement. Donc, il a fallu qu'on aille chercher des lieux dans lesquels on pouvait installer une scène, des musiciens et du public parce qu'il n'y en avait pas. C'était juste une question de manque. Par exemple, la maison de l'Océan, c'est un grand amphithéâtre en bois de 450 places dans lequel il y a des conférences, des expositions, des débats mais jamais de musique.
C'est au théâtre de l'Odéon que vous accueillez ce soir Stacey Kent et ce quatuor à cordes Akilone ?
Stacey Kent, ça fait quelques années que je veux la programmer. Et là, l'occasion s'est présentée puisqu'elle sort un album et elle n'avait pas de concerts prévus à Paris. J'ai contacté le management en leur disant si vous voulez faire un concert pour la sortie de l'album à Paris, faisons-le ensemble. Ils ont dit oui. Le théâtre de l'Odéon, c'est un très joli théâtre, c'est difficile de refuser un lieu pareil et comme on aime bien faire les choses un peu différentes des autres, on a demandé à Stacey Kent si on pouvait lui adjoindre un quatuor, chose qu'elle avait déjà faite dans ses albums. J'ai demandé à un chef d'orchestre qui s'appelle Mathieu Herzog qui dirige l'ensemble Appassionato de chercher un quatuor et de le mettre en relation avec Stacey Kent. Akilone est un quatuor de quatre jeunes femmes qui fait des tournées un peu partout dans le monde et qui a remporté un certain nombre de prix à travers le monde. Elles ont accepté avec plaisir et il y a eu des échanges de partitions entre Stacey Kent et le quatuor, elles se sont débrouillées dans leur coin et ce soir ça devrait bien se passer ! La rencontre entre le quatuor et le trio de Stacey Kent est une vraie création.
Dès le lendemain, ce sera le concert de Kareen Guiock Thuram que l'on découvre chanteuse...
Oui, on fait deux concerts dans le théâtre de l'Alliance Française. C'est un très joli théâtre à l'italienne qui fait un peu moins de 400 places donc on fait deux concerts, un à 19h, un autre à 21h30 et il reste quelques places ! Avec Kareen, on a aussi fait une conférence diffusée dans les 800 alliances françaises dans le monde, c'était très intéressant.
On continue avec la programmation des soirs suivants...
Laurent Coulondre est invité par l’organiste du grand orgue de l’église Saint-Sulpice, le plus grand d’Europe je crois, Sophie-Véronique Cauchefer-Choplin. En mai dernier nous avions déjà fait une rencontre entre elle et Rhoda Scott. Il y avait donc l'orgue de l'église et un trompettiste plus un orgue Hammond installé sur l'autel et ça a été un succès extraordinaire, très émouvant. Alors on a décidé de refaire la même chose cette année, en remplaçant Rhoda Scott par Laurent Coulondre pour avoir une autre manière d’appréhender l'orgue Hammond et, entre les deux, on installe une petite batterie, celle de Julie Saury et la clarinette de Aurélie Tropez. Ces quatre personnes sous la direction de Sophie-Véronique Cauchefer-Choplin vont interpréter des musiques de films dans l’église Saint-Sulpice. C’est une véritable création, j’ai assisté à quelques répétitions, c’est assez extraordinaire !
On retourne à l’église dès le lendemain…
On retourne à l’église. L’église emblématique du quartier, qui est l’église de Saint-Germain-des-Prés. On y a donné beaucoup de concerts en piano solo et on a eu une période d’absence pour causes de travaux. On a enfin la chance d’y retourner, avec une concertiste, Shani Diluka qui joue dans le monde entier. Quand elle est à Paris, elle joue au théâtre des Champs-Elysées, à la Philharmonie, avec de grands orchestres.
Ça doit être particulièrement stimulant pour vous de proposer ces lieux atypiques à ces artistes tout en leur laissant une certaine liberté ?
Quand on fait visiter l’église saint germain et qu’on annonce qu’à la place de l’autel on va mettre un piano et que vous jouerez là, il y a une sorte de sidération, c’est fabuleux !
Parlez-nous de la suite...
Rémi Panossian et son trio et le duo Obradović-Tixier, ce sont deux coups de cœur. Ils viennent jouer leurs nouveaux répertoires qui ne sont pas encore sortis.
Deux coups de coeur parce que, Obradović-Tixier, j’ai trouvé ça extrêmement gonflé ce qu’ils ont proposé. RP3, je trouve ce trio hallucinant, ils ne font pas spécialement de promo mais ils remplissent des salles sur leur nom. Robin Mansanti, c’est incroyable. C’est un ovni. Quand il est arrivé, on s'est dit : "oh Chet Baker a sorti un nouvel album !" et non en fait c’était Robin Mansanti. C’est un jeune homme d’à peine 30 ans qui compose, qui chante avec cette petite voix très douce. C’est magnifique ce qu’il fait. Ce sera à la mairie du 6è samedi à 15h et c’est un concert gratuit ! Je peux le dire je suis très fier d’avoir réussi à programmer Fred Hersch, digne héritier de Bill Evans, qui a enregistré 30 ou 40 albums. Le sien est atmosphérique. Je n’ai pas les mots pour dire la joie que j’ai de programmer cet homme.
Vous clôturez le festival avec Émile Parisien et Gautier Garrigue ?
Gautier Garrigue est le batteur dont on parle beaucoup en ce moment qui sera en première partie avec Émile Parisien pour présenter en avant-première son album. Puis Émile Parisien sera sur scène avec son quartet pour la sortie de leur album qui scelle les 20 ans du groupe.
Propos recueillis par Benoit Thuret
Texte : Grégory Curot et Matthias Denis