Dans la musique, on parle souvent du club des 27, des artistes décédées à l'âge de seulement 27 ans parmi lesquels on retrouve Brian Jones, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, Kurt Cobain ou encore Amy Winehouse. Des artistes "maudits" qui ont quitté la scène et surtout la vie beaucoup trop tôt. Dans le jazz, il n'y a pas de "club" de ce type même si un blueman qui en est à l'origine, mais on dénombre quand même beaucoup (trop) de morts violentes, difficiles ou liées à des problèmes d'addiction. Marvin Gaye a été abattu par son père, Otis Redding a eu un accident d'avion, Chet Baker s'est défenestré, quant à Robert Johnson, il a y a plusieurs théories expliquant son décès... Des épisodes hors du commun que l'on vous raconte ici.
Otis Redding
Ce 10 décembre 1967, Otis Redding est au sommet de sa carrière. Deux ans plus tôt, il a sorti l'album "Otis Blue", sans doute son meilleur disque, comprenant des titres devenus classiques comme "Respect" (qui sera l'immense succès d'Aretha Franklin), "I’ve Been Loving You too long", "Ole Man Trouble" et de nombreuses reprises comme "Satisfaction" des Rolling Stones, "Shake" de Sam Cooke, "My Girl" des Temptations ou "Down in the Valley" de Solomon Burke. Forcément, il est très demandé et enchaîne les dates de concerts. Pour gagner du temps, il a son propre avion, un Beechcraft H18. Ce 10 décembre, avec cinq membres des Bar-Kays, il est en vol vers l'aéroport de Madison dans le Midwest quand l'appareil s'écrase sur la surface gelée du lac Monona (Wisconsin) en provenance de Cleveland. Le musicien Ben Cauley est le seul survivant de ce crash. Quand il meurt, Otis Redding vient d'enregistrer des dizaines de chansons inédites dont "(Sittin' On) The Dock Of The Bay" qu'il a terminé trois jours seulement avant l'accident. Avec ce titre, le chanteur était persuadé de tenir un énorme tube. Il a eu raison puisque ce morceau a été son premier et son dernier numéro un, un plaisir dont il n'a malheureusement pas pu profiter...
Amy Winehouse
On ne choquera sans doute personne en disant qu'Amy Winehouse était addict à l'addiction et que c'est, évidemment, ce qui a provoqué sa perte. Toute sa vie, elle a aussi souffert de troubles alimentaires et de dépression. Elle n'a jamais caché ses problèmes avec la drogue ou l'alcool. En 2007, elle annule d'ailleurs toute une série de concerts et le bruit a couru que c'était à cause d'une overdose. En 2008, elle entre en centre de désintoxication. En 2009, elle passe six mois sur l'île de Sainte-Lucie où elle semble avoir tout arrêté sauf l'alcool qu'elle stoppe en juillet 2011 avant de retomber violemment dedans notamment à partir du 20 juillet où, durant un concert de sa filleule et protégée Dionne Bromfield, elle ingurgite de grosses quantités de gin. Quand elle est retrouvée morte dans son appartement le 23 juillet 2011, il y a des bouteilles de vodka vides au pied de son lit et, selon ses proches, cela faisait trois jours qu'elle n'avait pas dessaoulée. L'autopsie de la jeune femme ne laisse aucun doute, elle morte d'un trop plein d'alcool puisqu'une prise de sang révèle qu'elle avait 4,16g d'alcool dans le sang. Les conclusions de l'enquête précisent que la reprise de la consommation d'alcool après une période d'abstinence lui a été fatale...
Robert Johnson
Reconnu comme un des plus grands blueman de l'histoire, il y a un vrai mystère autour de la mort de Robert Johnson. En effet, il existe plusieurs versions des événements qui auraient conduit au décès du musicien à seulement 27 ans, "inaugurant" en quelque sorte le club des 27, le 16 août 1938. La première théorie autour de sa mort, c'est qu'il aurait été empoisonné par un mari jaloux. Celui-ci, lassé de voir le jeune homme tourner autour de sa femme, lui aurait offert une bouteille de whisky à la strychnine. Dans une autre version, il aurait été empoisonné par un musicien après un différend. Une autre histoire est que Robert Johnson était malade et qu'il souffrait d'une pneumonie, une maladie qui ne se soignait pas dans les années 30. Selon d'autres sources, il aurait souffert de syphilis et en serait mort et enfin, dernier "cas de figure", il aurait succombé à cause des trois facteurs dont nous venons de parler. Enfin, la cause la plus surnaturelle est que Robert Johnson aurait vendu son âme au diable à un carrefour en échange de son talent musical extraordinaire. Certains soutiennent que sa mort prématurée était la conséquence de cette transaction. Le mystère est d'autant plus entier, encore aujourd'hui, que sur son certificat de décès, sous l'onglet "cause de la mort" on trouve la mention "no doctor" ("pas de docteur", sans doute dans le sens de "pas de cause établie". Mais cela ne s'arrête pas là puisque si on est à peu près certain qu'il est enterré près de Greenwood dans le Mississippi, on ne connaît pas vraiment son lieu exact de sépulture. En effet, trois cimetières entourant la ville se targuent d’avoir une tombe portant son nom...
Marvin Gaye
Au milieu des années 1970, Marvin Gaye collectionne les difficultés, alternant entre son addiction à la cocaïne, des soucis financiers et des accès de colères fréquents. Il doit notamment 300 000 dollars de pensions alimentaires mais aussi de l’argent au fisc. Il ne s’en sort plus. Lors de son départ en tournée en 1983, l’interprète de "Sexual Healing" est méconnaissable. Sur scène, le prince de la soul s’affiche parfois avec un gilet pare-balles, persuadé qu’on veut lui ôter la vie. Il termine cette tournée bien que mal, dans un état déplorable. Le chanteur finit par se résoudre par retourner vivre chez ses parents au 2101 South Gramercy Place à Los Angeles, dans la maison qu’il leur a lui-même offert. Une décision qui ne va du tout arranger les choses, bien au contraire... Le chanteur va désormais devoir revivre avec celui qu’il déteste tant : son père, Marvin Gay Senior, un pasteur très strict et violent avec ses enfants, au point parfois de les rouer de coups avec une ceinture. Le 2 avril 1984, jour de l’anniversaire de Marvin Gaye, une violente dispute éclate entre les deux hommes. Alors que le père du roi de la soul semble battre en retraite, il revient quelques instants plus tard avec une arme et tire à bout portant sur son fils à deux reprises... Ironie de l'histoire, c'est l'interprète de "What's Going On" qui avait offert cette arme à son géniteur.
Prince
Le vendredi 15 avril 2016, une semaine avant sa mort, juste après un concert à Atlanta, l’avion privé de Prince atterri en urgence à Moline, dans l’Illinois. A peine posé, il est immédiatement conduit à l’hôpital. Là-bas, les médecins lui font un "save shot", habituellement administré afin de neutraliser les effets d'une prise d’opiacés. Alors que les médecins conseillent au Kid de Minneapolis de rester 24 heures en observation, Prince et ses équipes décident de partir, suite à l’impossibilité pour l’hôpital de trouver une chambre privée à l’artiste. Le chanteur quitte donc l’établissement de santé trois heures plus tard sans réellement se sentir mieux. Cette décision aura des conséquences dramatiques par la suite. Jeudi 21 avril 2016, le roi du funk s’éteint, retrouvé mort dans un ascenseur de sa résidence. L’institut médicolégal confirme la cause du décès : une overdose de Fentanyl, un opiacé connu sa dangerosité. Il est en effet 50 à 100 fois plus puissant que la morphine. On apprend également grâce à des révélations du Minneapolis Star Tribune, que quelques semaines avant son décès, le chanteur suivait un traitement pour tenter de se sevrer. La veille de sa mort, la famille de l’artiste avait également contacté le docteur Howard Kornfield, addictologue californien, preuve que le problème était profond...
Chet Baker
Dans les années 1970 et 1980, la carrière de Chet Baker est en plein déclin. Toxicomane, il se retrouve notamment à la rue. L’artiste prend jusqu'à 6 grammes d’héroïne par jour qu’il mélange en plus à de la cocaïne. Déjà, en 1966, le musicien est quasiment un junky et un événement le prouve. À San Francisco, un groupe de dealers l’agressent tellement violemment que le chanteur de jazz américain se retrouve la mâchoire fracturée et sans aucune dent. Le prince of cool est donc contraint de porter un dentier, un comble pour un trompettiste. Côté financier, ce n’est pas mieux. Il revient d’une tournée en Europe désastreuse et a investi tout l’argent récolté dans des seringues. Le James Dean du jazz n’est alors plus que l’ombre de lui-même sur scène. Eglal Farhi, la patronne du club parisien le New Morning se souvient. "Les gens venaient comme au cirque, lorsqu’on attend que le trapéziste tombe. Ils pensaient toujours que ce serait son dernier concert". Un goût extrême pour la prise de risque que l’un de ses meilleurs amis trompettistes, Jack Sheldon, décrit comme "quasi-suicidaire". "Quand il plonge, c’est de plus haut que tout le monde, quand il conduit, c’est forcément pied au plancher, et quand il se défonce, alors il n’y a plus de limite." Le vendredi 13 mai 1988 marque la dernière chute de l’icône incontournable du jazz. Il est 3h du matin à Amsterdam quand l’artiste tombe de la fenêtre de sa chambre d’hôtel du deuxième étage. Suicide, chute accidentelle ou règlement de comptes ? La question reste toujours ouverte...