Le jazz est un genre bien particulier, qui trouve même sa place en politique. À la fin des années 1950, cela est monnaie courante. De nombreux musiciens, tels que Charlie Parker, Charles Mingus, et John Coltrane, introduisent la politique dans leur art. Au même moment, le mouvement pour les droits civiques commence à prendre de l’ampleur aux États-Unis. Le musicien Gilad Atzmon expliquait :
"Les Noirs américains réclamaient la liberté, et le jazz l’exprimait mieux que de simples mots".
Et cette tendance se renforce au fil du temps, notamment dans le free et le spiritual jazz, qui livre un véritable combat pour la liberté politique.
Mais tout bascule en 1969, lorsque Leon Thomas et Pharoah Sanders composent le titre "Malcom’s Gone". Cette chanson a pour objectif de rendre hommage au militant révolutionnaire américain des droits civiques, Malcolm X, assassiné en 1965. Ainsi, le morceau débute par le nom musulman supposé du militant, au moment de sa mort, "Malik El-Shabazz". Ces mots sont alors suivis de quelques secondes de silence, avant que le groupe ne commence à jouer une mélodie mélancolique. Finalement, cette chanson se transforme en une version jazz d’un service funéraire. Elle s’achève par les applaudissements de la congrégation, qui célèbre Malcolm X. En outre, la musique évoque une foule en deuil, lors d’un enterrement. Elle établit également un lien entre le défunt militant et Jésus-Christ. Pour beaucoup, il est question d’une véritable déclaration politique.
Le jazz, un lot de consolation pas comme les autres
Il est vrai que le climat socio-politique des États-Unis est particulièrement tendu à l’époque. En effet, la fin des années 1960 est extrêmement agitée pour les Afro-Américains. Dans un premier temps, cela marque la fin des droits civiques aux États-Unis, mais aussi le début du mouvement militant Black Power. Ainsi, beaucoup d’Afro-Américains estiment que la quête de l’égalité doit devenir une priorité. Avec le mouvement Black Power, ils tentent de se protéger d’un État considéré comme oppressif. À cette même période, de nombreuses personnalités sont réduites au silence, emprisonnées ou assassinées. En réalité, "Malcolm’s Gone" n’est pas seulement un hommage. Il s’agit aussi d’une terrible provocation, comparant Malcolm X à la divinité de l’Amérique blanche, nationaliste et raciste, alors qu’il est un musulman noir, perçu comme un ennemi de l’État. Ce titre tient également à transmettre un message d’optimisme et de pacifisme aux Afro-Américains. Aujourd’hui encore, il nous montre l’horreur de la condition de la population noire de l’époque, créant un lien puissant entre jazz et politique.