Le jazz ne fait pas que s’écouter, il se lit ! En effet, l’histoire du genre a une place très importante dans sa construction, au sein de l’industrie musicale. En 1980, le travail de recherche de Ronald L. Morris est publié aux éditions Presses de l’Université de Bowling Green, dans l’Ohio. Il est alors intitulé "Wait until Dark : Jazz Underworld, 1880-1940". En 2002, les éditions Le Passage proposaient une traduction française de cet ouvrage, réalisée par Jacques B. Hess. Le premier tirage s’épuise très rapidement, tout comme celui de 2013. En 2016, une réédition au format poche voit également le jour. Nous sommes donc à la fin du XIXe siècle, aux États-Unis, alors que l’immigration italienne bat son plein. Entre 1880 et 1900, plus de 650 000 italiens débarquent dans un pays, à peine sorti de la guerre de Sécession. Ils arrivent surtout du sud de l’Italie, mais aussi de la Sicile. Poussés par la misère, ils manquent donc d’éducation. De ce fait, les Américains ont eu beaucoup de mal à les considérer comme faisant partie des leurs. Ils les soupçonnent notamment d’être tous impliqués dans les business de la mafia.
À l’époque, le principal divertissement est la musique. Dans la plupart des clubs et des saloons, c’est le jazz qui résonne. Pour John Hammond, le producteur et vice-président de Colombia dans les années 1950, "trois clubs ou cabarets de jazz sur quatre étaient soit dirigés officiellement, soit contrôlés dans l’ombre, ou gérés de quelques façons par des [gangsters] […] siciliens". De ce fait, la thèse de Ronald L. Morris est la suivante : longtemps, les gangsters ont permis aux jazzmen de vivre et de jouer, tout en les protégeant. Ils auraient donc largement contribué au développement de cette musique. La lecture de l’ouvrage de Morris permet donc de se plonger dans les clubs de jazz de la Nouvelle-Orléans, de Chicago ou de New York, au début du XXe siècle. À Manhattan, en 1925, près de 15% de la population danse et écoute du jazz, au moins trois fois par semaine. Nous sommes en plein âge d’or du jazz, et les musiciens croulent sous les demandes. Ils jouent partout, toute la journée et toute la nuit. Pourtant, ce milieu est loin d’être recommandable, mais il permet de leur assurer un avenir.
Un jour, Fats Waller, un pianiste, a été kidnappé plusieurs jours par des hommes de main d’Al Capone. Il croyait qu'ils allaient l'exécuter mais «le vendeur de meubles d’occasion» l’a seulement forcer a jouer du Jazz pendant 3 jours avant de lui offrir une montagne d'argent. pic.twitter.com/7WjnLiFPv1
— Bouteflikov™ (@Bouteflikov) December 22, 2021
Les gangsters, à l’origine du jazz ?
Les gangsters sont-ils vraiment à l’origine de la montée en puissance du jazz ? Qu’avaient-ils à gagner au sein des clubs de jazz ? Étaient-ils vraiment des passionnés du genre ? Selon Billy Rose, le propriétaire du Billy Rose Music Hall à New York, pour tenir un club de jazz, il suffisait d’être "menteur, crâneur, entêté, et con". Finalement, les gangsters avaient le monopole du divertissement. Une chose est sûre : ce livre permet de découvrir les origines du jazz, de manière beaucoup plus profonde.